Le train des Bergeronnes

Jeune adolescent, le rêve de ma vie était de devenir conducteur de train. Hélas, à ma connaissance, aucune locomotive n'avait jamais traversé la Côte-Nord. Mais je fis un rêve étrange où avec mon frère François Guay, je découvrais une section abandonnée d'une voie de chemin de fer dans les champs en arrière de chez Nazaire Gagnon. Dans mon rêve, mon père (Marcel) nous expliquait que monsieur Léon Jean avait été choisi comme garde-barrière et que Baptiste Jean était le chef de train. Le convoi faisait une halte en arrière du cran à Alexandre. Je m’imaginais le sifflet du train porté en écho dans le paysage et les panaches de vapeur lors de la traversée du village.

Pourtant, tout cela aurait bien pu arriver. En janvier 1885, L'Écho des Laurentides annonçait un projet gigantesque : la construction d’un chemin de fer sur notre Côte-Nord entre Québec et Belle-Île au Labrador pour une longueur de 719 milles. L'objectif était de rapprocher d’Europe les grandes villes de l'Amérique en raccourcissant la traversée de l’océan à trois jours et en ne perdant la terre de vue que pendant une seule journée. On prévoyait aussi un embranchement à partir de Bersimis vers Chicoutimi.

La voie était prévue sur le plateau entre la ligne des hautes marées et le pied des montagnes qui varie d’un demi-mile à deux milles sur la Côte-Nord. Le fleuve assurant le transport des matériaux et des ouvriers et le bois se trouvant sur les lieux de construction, le projet pouvait être réalisé à un coût raisonnable, sans subvention, en dix-huit mois environ. La seule grande difficulté étant la traversée du Saguenay, mais un bateau-passeur ferait très effectivement ce service.

Le 26 janvier 1911, le Progrès du Saguenay rapporte que des hommes d'affaires sont toujours prêts à réaliser un projet de train sur la Côte-Nord en lui procurant un immense avantage au point de vue agricole, industriel et commercial.

Bien plus tard, en 1956, le Conseil de Ville de Chicoutimi soumet encore un mémoire appuyant un projet de chemins de fer devant relier Baie-Comeau à Chicoutimi-Nord. Mais dans l'édition du 7 avril 1960, l'historien Mgr Victor Tremblay constate que tous ces projets sont désormais définitivement relégués au rang de rêves. 

Sources :