Mgr Donat Gendron, souvenirs de Noëls (1913 - 1998)

Ordonné prêtre en juin 1938 à Québec, le curé Gendron exerce son ministère à Rivière-Ouelle puis dans les Forces Armées Canadiennes. 

Il arrive comme vicaire en mars 1948 à bord de la goélette Reno L. pilotée par le capitaine Jos Dufour.

De 1957 à 1962, il officie  dans la paroisse de St-Georges à Baie-Comeau.

Il est de retour aux Bergeronnes en 1962 avec le titre de monseigneur. En 1978, il devient aumônier des Sœurs de Marie Réparatrice à Baie-Comeau.

Durée 12:37; la section portant sur Noël aux Bergeronnes commence à 7:20

Noël aux Bergeronnes, souvenirs de Welleston Bouchard (1927 - 2017)

propos recueillis par Pierre-Julien Guay en 1972

Je crois que les Noëls que nous passons à l'âge de huit, peut-être plus jeune à aller jusqu'à quatorze ans, je crois que ce sont les plus beaux Noëls.

Je me souviens des grandes randonnées, on appelait ça des grandes randonnées parce que dans ce temps-là, nous étions en carriole et que nous partions vers les trois heures de l'après-midi pour aller souper chez mon grand-père Elzéard Simard à Bon-Désir qui était à environ à un mille et demi. À l'âge que nous avions, c'était un grand voyage. 

Et je me souviens alors qu'on attendait le souper, nous étions une dizaine d'enfants par famille. En ce qui regarde les enfants, on peut dire jusqu'à l'âge de quatorze, quinze ans si on veut compter les adultes qui n'étaient pas mariés, je crois qu'il devait y avoir dans les environs de soixante-quinze enfants chez mon grand-père. Et ils manquaient de place dans la maison, et  je me souviens encore d'un soir dans l'escalier et encore une fois bien nous attendions le repas. Bien entendu, c'était beau pour nous autres. C'était beau, mais je m'ennuyais. Je ne sais pas, j'avais un peu la nostalgie, je voyais que tous les adultes qui étaient là puis ils avaient bien du plaisir. 

Le petit caribou ou le gin, il s'en buvait, je crois, plus qu'à l'heure actuelle. Et je me souviens que mon père, moi, c'était toujours sa danse, la danse qu'il faisait bien c'était demandé par ses beaux-frères et ses belles-sœurs. Et aussi je me souviens de mon oncle Welleston Simard qui faisait la danse du barbier. Mon grand-papa Elzéard qui donnait la bénédiction au Jour de l'An. 

Et aussi, bien entendu, il ne faudrait pas que j'oublie mon oncle Albert Simard, c'est lui-même qui avait: la maison paternelle et c'est lui-même qui nous recevait. Et bien entendu, les Noëls que nous passions, c'était des Noëls en famille. Si nous ne recevions pas des cadeaux richement, je crois qu'ils nous étaient donnés de bon cœur et dans notre jeune âge, ça ne nous prend pas grand-chose pour nous faire plaisir. ◊

Noël aux Bergeronnes, souvenirs de Patrick Gauthier (1910–1991)

Tu me demandes de te raconter ce qui se passait dans le temps des Fêtes il y a plusieurs années passées. Il faut remonter cinquante, cinquante-cinq ans pour dire que ce qui se passait un peu chez nous et dans la famille. D'abord le jour de Noël, c'était presque une journée comme les autres, sauf pour la messe de minuit qui était le gros de la fête. Nous demeurions à deux milles de l'église et tous ceux qui étaient capables d'assister à la messe y allaient. Même on partait souvent deux traîneaux pour assister à la messe de minuit. C'était le grand évènement de la fête.

Maintenant, comme tout bon enfant, nous tendions nos bas avant de partir pour la messe de minuit tout près de la cheminée. Dans ce temps-là c'était le petit Jésus qui passait nous porter quelque chose dans nos bas. En revenant de la messe, nous jetions un coup d'œil furtif sur nos bas pour voir s'il y avait quelque chose, mais c'est tout ce que nous pouvions faire puisque la coutume était que c'était seulement le matin au réveil qu'on allait visiter les bas pour voir ce qu'il y avait dedans. Maintenant, que contenaient les bas? Une pomme, un petit paquet de bonbons et un pain aux raisins garni de petits bonbons. Souvent bien le grand frère qui se levait avant nous autres,  pour nous jouer un tour, il nous mettait des patates dans nos bas.

Et puis c'était le déjeuner comme un dimanche ordinaire et puis nous retournions à la messe qui était la messe du jour. Le reste de la journée se passait à peu près comme un dimanche ordinaire parce que c'était surtout dans ce temps-là c'était la fête chrétienne, la fête religieuse plutôt que la fête que nous connaissons aujourd'hui.

Quant à ce qui se passait dans le temps du Jour de l'An, c'était un peu plus actif. Nous nous levions à cinq heures et demie le matin et nous partions pour aller communier avant le déjeuner en famille. Ce qui voulait dire que c'était un voyage assez long et parfois dans les tempêtes qui n'étaient pas toujours agréables, mais qui nous faisaient toujours plaisir aux jeunes surtout qui accompagnaient les plus vieux. Nous nous enroulions dans les peaux de carrioles dans le fond du traîneau et nous arrivions toujours à bon port.

En revenant de la messe, les autres enfants, les frères se groupaient à la maison, venaient à la maison et après la bénédiction paternelle qui était traditionnelle dans le temps, bien c'était le déjeuner et les étrennes. C'était encore un sac de bonbons, une pomme, une orange quand on pouvait s'en procurer dans ce temps-là, – on n’avait pas les facilités d'aujourd'hui – et souvent du sucre à la crème.

Maintenant si je me rappelle bien, ma première étrenne, mon premier jouet que j'ai eus dans ce temps-là, c'était un petit cheval en papier mâché. Sinon c'était une paire de mitaines tricotées par ma mère ou par la grande sœur.

Après près le déjeuner nous retournions à la messe même si nous avions communié avant parce que dans ce temps-là, il y avait toujours une communion ou deux avant la grand-messe, coutume qui est disparue aujourd'hui, mais qui existait dans ce temps-là.

Le midi, nos frères qui étaient mariés allaient visiter le beau-père et la belle-mère et nous autres les jeunes  restions à la maison. Puis la veillée, bien c'était encore à la maison paternelle pour la plupart. Ceux qui étaient en âge de faire leur jeunesse allait veiller avec leur blonde et d'autre part, d'autres familles venaient visiter.

Je me souviens quand j'ai commencé à faire ma jeunesse, que je venais souvent ici dans cette maison qu'on appelait dans ce temps-là chez monsieur Victor, je venais souvent passer le Jour de l'An avec la famille, avec la famille Guay parce que Adrien était plus jeune que moi, Gérard un peu plus vieux, j'étais dans le milieu et nous nous entendions très bien et même je pourrais dire que je faisais un peu partie de la famille et que la maison ici où nous sommes dans le moment c'était un peu mon deuxième chez nous. C'est vrai que Marcel, ton père, Pierre, était plus jeune que nous autres et puis à notre sens nous autres, il nous embarrassait un peu parce qu'il était plus jeune puis on n’avait pas toujours l'opportunité d'agir à notre guise, mais on s'est toujours bien considéré pareil et c'est pourquoi depuis ce temps-là, j'ai toujours gardé pour la famille et pour la maison un attachement particulier. ◊

Pour en savoir plus :  l'histoire de Patrick Gauthier

 

Noël aux Bergeronnes, souvenirs de Marcel Guay (1919–2008)

 

Il m'est bien difficile de me souvenir d'un Noël en particulier alors que j'étais jeune. Sans doute que c'était bien différent pour toutes sortes de raisons dont les deux principales étaient premièrement la crise qui sévissait alors et l'extrême rareté d'argent. D'autres, presque aussi importantes, étaient le fait que nous allions à l'école toute la journée de la veille de minuit lorsqu'il s'agissait d'un jour de semaine.

Il faut vous dire que dans ce temps, il n'était pas à la mode des vacances autres que celles de juillet et août. Nous pouvions espérer quelquefois une demi-journée à la suite de la visite de l'inspecteur et quelquefois encore, plus rarement, à la fête de monsieur le curé; cette dernière occasion seulement lorsque j'étais plus vieux et fréquentais l'école dite du maître (1). Les autres classes, c'étaient celles des maîtresses et surtout le règne des écoles de rang. La nôtre portait le nom d'école de la route (2).

Donc, pour en revenir à la Noël, on s'en rendait surtout compte par les grands préparatifs que maman faisait, principalement dans le manger. Il y avait surtout les pâtés à la viande, la bonne saucisse faite à la maison. Je me souviens que je disais souvent que les cochons auraient dû être faits uniquement des fesses pour la saucisse et les pâtés lors de la boucherie qui se faisait normalement quelques jours avant les Fêtes. On mangeait alors du bon boudin et d'autres bonnes choses que maman nous faisait rôtir. Je crois qu'il s'agissait d'une partie près des côtes.

Je disais aussi que l'on devrait saigner les cochons sans les faire mourir afin de pouvoir faire du boudin plus souvent. Il ne faudrait pas oublier les bons beignes dont nous savourions surtout la senteur jusqu'au réveillon de Noël, car à la veille de minuit, c'était un gros maigre jeune et il n'était pas question de manger des bonbons, du chocolat ou même des choses comme des beignes, le sucre à la crème ou d'autres petites douceurs réservées pour quelques événements très rares de l'année.

Pour les cadeaux, ils n'étaient pas bien nombreux et il s'agissait surtout de choses pratiques comme d'un gilet, des souliers, un traîneau ou autres linges nécessaires à la garde-robe du temps. Je ne me souviens pas particulièrement de jouets et ce n'est que lorsque j'eus une dizaine d'années au plus que j'associe les autos puisque les naturelles étaient aussi très rares dans ce temps-là. Je me souviens d'un jeu de mécano auquel était venu s'ajouter aux Fêtes l'année suivante un plus gros jeu, mais manufacturé par un autre fabriquant et dont les pièces étaient plus nouvelles et ressemblaient aux poutres du pont de Québec.

Un autre jouet dont j'ai beaucoup bénéficié et qui m'a fait passer des heures très agréables a été une petite chaudière à vapeur imitant la motorisation des moulins à scie du temps. J'avais reçu ce jouet de ma marraine Germaine que je trouvais bien généreuse et qui me faisait chaque année des cadeaux que je trouvais bien beaux et gros. Je me rendais la visiter uniquement pour recevoir mon cadeau annuel et quelquefois, je faisais le voyage jusqu'en haut de la côte à bouleaux à pied, chez ses beaux-parents, pour recevoir ce cadeau.

Une autre fois, j'avais reçu d'elle une bien jolie petite chaudière, un peu plus grande qu'une tasse à thé. Elle était en métal, avec un couvercle très hermétique et rempli de délicieux bonbons. Les fruits, comme les oranges et les pommes, étaient également des raretés du temps de Noël que l'on savourait avec joie. 

Je crois que si l'on pouvait nous présenter des films parlant nous représentant exactement ce que nous faisions et disions de ce temps-là, nous nous en amuserions beaucoup maintenant. Cependant, il faut vous dire que malgré la très grande différence, l'on était tout de même bien heureux de nous rendre en traîneau le fameux soir de minuit. 

Et, plus tard, lorsque je fréquentais l'école du maître, il m'est arrivé aussi, avec un bon compagnon de mon âge de passer dans l'église à partir du chœur, en costume d'enfant de chœur, s'il vous plaît, tous les deux très heureux dans notre for intérieur et bien fiers de nous faire remarquer de tous les paroissiens parce que nous montions au chœur de chant pour chanter le beau Minuit Chrétien. Il ne faut pas oublier que mon père était le maître de chant et probablement que c'était surtout la raison pour laquelle la musicienne, madame Berthe, nous trouvait de très bons chanteurs. ◊

(1) l'école  du maître était située au 553 du Plateau. Elle accueillait environ 25 élèves, tous niveaux confondus. Le maître en question, René Tremblay, avait une conception déroutante de l’éducation. Ainsi, tous les jours, les enfants de la onzième année recevaient avant de quitter le soir, quatre à cinq coups de courroie de moulin à battre le grain sur les mains. Heureusement, la jeune fille qu’il fréquentait à l’époque réussit à le convaincre d’abandonner cette manie.

 (2) l'école de la route, construite en 1918, était situé sur la rue Principale, face à l'entrée du rang St-Joseph