Le minuit chrétien d'oncle Welleston

C'était la tradition de Noël instaurée par mon père à son magasin. La marquise au-dessus de l'entrée de Victor Guay & Fils accueillait une grande décoration illuminée qui jetait ses lueurs sur la neige blanche, dans ce froid noir et frais comme il en est quelques semaines avant la fin de l'année.

Nous perdions alors un des haut-parleurs du stéréo qui était installé là-haut pour faire de la musique d'ambiance. Ce n'était pas bien grave, car il y avait encore beaucoup de microsillons enregistrés en mono. Et nous écoutions la musique de Noël en continu, de l’après-midi jusqu'à la fermeture.

Les caisses de jouets commandées par Diane Gagnon arrivaient en octobre, mais leur contenu n'était pas exposé avant fin novembre dans la section en haut du magasin où jouets et vaisselle se partageaient l'espace. Après le souper, mon frère François et moi y montions pour y passer des heures à les regarder en rêvant.

Une semaine avant le grand évènement, nous ne tenions plus en place. Les clients se faisaient plus nombreux au magasin et nous passions notre temps entre le magasin rempli de cette frénésie inhabituelle et la maison où le sapin fraîchement coupé répandait son parfum de forêt.

La veille de Noël, à huit heures et demie, quittant à regret la veille des mystérieux paquets posés au pied de l'arbre, nous devions monter nous coucher. Je me disais:" peut-être que quand je serais grand, je n'aurais plus besoin d'aller me coucher avant la messe." Mais pour l'instant, j'essayais de deviner la signification des éclats de voix des clients qui se pressaient encore du magasin pour les achats de dernière minute.

"Pierre, réveille-toi". "Hein? Ça y est ? Ça va être Noël?" Et pourtant, il n'était encore que onze heures. Il fallait s'habiller pour la messe de minuit. Oh, quant à moi, c'était vite fait. Pendant que maman se maquillait encore et que papa cherchait sa cravate, moi j'étais là près du sapin illuminé attendant nerveusement, plein d’excitation.

À minuit pile, l'église s'illuminait et l'orgue, de cette musique qui me faisait trembler, se mettait à jouer Minuit Chrétien. Alors, aussitôt que mon oncle Welleston avait commencé à chanter, que les chœurs avaient repris, un tas de petits frissons me courraient dans le dos. Et puis, les trois messes se poursuivaient lentement, très lentement. Papa tenait à rester aux trois. Si j'acceptais sans trop hésiter la deuxième, la dernière, Dieu me pardonne, je ne l'entendais et ne la voyais pas.
 
À minuit pile, l'église s'illuminait et l'orgue, de cette musique qui me faisait trembler, se mettait à jouer Minuit Chrétien. Alors, aussitôt que mon oncle Welleston avait commencé à chanter, que les chœurs avaient repris, un tas de petits frissons me courraient dans le dos. Et puis, les trois messes se poursuivaient lentement, très lentement. Papa tenait à rester aux trois. Si j'acceptais sans trop hésiter la deuxième, la dernière, Dieu me pardonne, je ne l'entendais et ne la voyais pas.

 

Jour de l'an 1957 dans la famille Guay

 

Film en 8mm tourné par Marcel Guay la veille du Jour de l'An 1957 chez sa sœur Hermance. 

  • Émilienne Guay et Paul Gagnon (Nicole, Max...)
  • Hermance Guay et Laurent Gagnon (Andrée, Jean-Eudes, Richard, Alain, Jocelyne, Line...)
  • Marcel Guay et Antoinette Mailloux (Pierre)
  • Gérard Guay et Marie-Alice Gauthier (Évangéline, Reine, Johanne...)

Merci de m'aider à identifier les autres personnes. Indiquer le numéro de la séquences qui apparait en bas à gauche du vidéo à côté des noms, dans vos commentaires)

   Pierre, Johanne, Hermance, Antoinette, Marie-Alice, Évangéline, Germaine, Marie-Alice, Laurent, Gérard, Louis-Jos Fortin, Victor Guay. Dans les cadres, Marguerite Brisson, François Guay, Émélie Richard, curé Arthur Guay.


Le lac à la Truite

par Marcel Guay

À bien y penser, c’est vrai que c’est un fameux beau lac. On disait à peu près un mille de long, deux petites îles, dont une était juste en face de notre chalet, bien boisée et l’autre entièrement de roc, avec seulement quelques petits pins, des arbres. Je les dirais presque miraculeux, parce qu'ils ont poussé à travers quelques fissures de rochers alors que l’on n’y trouvait pas de terre du tout. Chose curieuse, en quelques endroits, tout autour du lac, il y avait quelques-uns de ces arbres qui, je suis sûr, n’auraient jamais pris racine, plantés de main humaine.

Suite au transfert d’embarcation dans la passe du lac à la truite, on trouvait un phénomène bien spécial. Il y avait une importante pointe de rocher bien uni. Et, au niveau du lac, une petite grotte qui s’enfonçait assez profondément! Mais seulement l’entrée permettait d’y accéder debout, le toit s’effilait en diminuant.
Alice Guay, Adelard-Paul, Marcel Tremblay, Henri Larouche au chalet du Lac à la Truite
À l'île d’en bas, une courte distance séparait cet endroit de la rive, mais curieusement une pointe de rocher émergeait pour diviser encore cet espace d’à peine un arpent. Un autre phénomène curieux était ce qu’on appelait le banc de sable. Situé presque au milieu du lac et long d’une centaine de pieds par un peu moins en largeur, où l’on pouvait sortir de l’embarcation et marcher alors que l’eau nous arrivait à peine mi-jambes. Mais attention, l’eau devenait subitement très profonde où l’on pouvait pêcher à très grande distance. C’était un endroit magnifique pour y pratiquer l’art du lancer à la mouche.
Naturellement tout le terrain n’était pas de rocher, car le lac était bien entouré de bois. Plutôt jeune de pousse, parce que le territoire avait été pratiquement tout détruit par le feu. Dans les campagnes, autrefois, les habitants, pour activer la cueillette des bleuets, avaient la manie d’y mettre le feu à intervalles plus ou moins rapprochés. Faudrait ajouter que dans notre coin, alors que j’étais jeune, la cueillette des bleuets était une industrie importante. Beaucoup de familles y trouvaient là le moyen d’habiller, chausser et équiper tous les enfants en prévision des classes.
Curiosité
Le 21 mai 1883, l'arpenteur Elzéar Boivin décrivait ainsi les alentours du Lac à la Truite :

En même temps qu'une partie de la rivière à Bas-de-Soie, j'ai aussi relevé le lac Raymond et le lac à la Truite. Le lac Raymond n'est qu'un élargissement de la rivière à Bas-de-Soie. Le terrain est plat du côté nord du lac, et en une certaine étendue inondée à la crue des eaux. L'eau est saine et n'atteint en profondeur que douze à quinze pieds. Le lac à la Truite offre aussi une eau pure et saine. Les contours sont anguleux et bordés de collines. Comme son nom l'indique, le lac regorge de truite. La décharge du lac à la Truite, après avoir passé par une suite de petits étangs, vient se perdre dans le lac Raymond.