À l'école des garçons

par Marcel Guay

Lorsque je fus en âge de fréquenter la classe dite des garçons du village*, j'eus un professeur dont les manières étaient très rudes. Les punitions étaient de mise et la chartre des droits de l'homme n'existait pas. Ce professeur était boiteux et traînait fortement de la patte. Pour cette raison, nous le surnommions «Patte de cochon» ou «Zoulou».

Nous étions environ une trentaine, répartis dans trois ou quatre niveaux. L'âge pouvait varier de douze à seize ans et plus, selon que les derniers traînaient sur les bancs d'école ou non. On y enseignait de la quatrième année jusqu'aux préliminaires du cours classique.

En guise de toilettes, une petite cabane isolée était munie d’un genre de hublot comme fenêtre car, bien entendu, il n'y avait pas d’électricité. Elle comprenait trois isoloirs. En poussant la porte pour y pénétrer, le plancher permettait l’espace simplement de s’y tenir debout. Au fond, une élévation d’à peu près la hauteur d’une chaise et au milieu un trou rond d’une dizaine de pouces ou à peu près la grandeur d’un sceau.

Ça, c’était l’endroit où l’on dirigeait le jet pour “arroser” seulement. Lorsqu’il s’agissait de chose plus importante, il fallait monter sur ce genre de tablette, et s'installer de manière à ce, qui s'échappait tombe directement dans le trou. Facile d’imaginer qu’avec la présence d’une vingtaine ou même une trentaine d’enfants, la surface de la tablette n’était pas toujours bien nette. Il y en avait qui visaient mal quelque fois. Sous ce genre de tablette, il y avait un genre de très gros contenant qu’on devait tirer avec un cheval pour en vider le contenu au moins à chaque année.

Une planche manquait sur un côté à la hauteur du plancher et on pouvait voir les pieds de celui qui était à l’intérieur. On surnommait notre professeur "patte de cochon", "patte d’indienne" ou "Zoulou" parce qu’il boitait, mais surtout parce qu’il était bien traître.  Donc ce jour-là, il était dans la bécosse. Parce que ses pieds étaient tournés vers la porte, l’on l’imaginait assis sur la toilette, et nous avions bien du plaisir en pensant qu’il pouvait avoir les fesses sur le plancher de la tablette.

Très rares étaient les jours où il n'y avait pas de punition pour au moins quelques élèves. Notre professeur était du type dictateur et ses moyens de torture variaient selon son humeur et selon que le délit le concernait lui-même ou la discipline de la classe. Traîner à l'aller ou au retour de l'école, nous amuser à dire de petites bêtises en passant devant la cour de quelqu'un qui voulait nous conseiller ou nous reprochait notre conduite, oublier de faire nos devoirs ou d'apprendre nos leçons, parler en classe ou rire avec nos voisins, se moquer du professeur, cacher la cloche de l'école ou les règles de correction, écrire des mots au tableau genre «Mange de la m. ..» ou «Maudite patte de cochon» constituaient autant de raisons de punition.

Notre solidarité était grande. Comme personne n'avait eu connaissance du méfait, la sentence était trois coups de règles à chacun et tout le monde y passait. Dans ces occasions, nous étions heureux de passer les premiers afin de profiter du spectacle des quelques-uns qui pleurnichaient, piétinaient, tendait la main craintivement et la retirait en voyant partir le coup. Ceux-là nous amusaient beaucoup. Mais il fallait camoufler notre plaisir à les voir car cela pouvait nous mériter un deuxième tour.

Les instruments les plus populaires étaient les règles grossièrement faites avec des manches de hockey ou des bandes de cuir dont il tressait le bout pour avoir de meilleurs effets. Le plus souvent, il utilisait ses mains pour des taloches par la tête et le tirage des oreilles. Parfois, il donnait des coups de pieds au derrière.

Nous pouvions aussi nous retrouver à genoux ou debout les bras en croix. Ça devenait vite fatigant car nous n'avions pas de clous pour soutenir nos bras et ils devenaient vite ballants ou tombants. Selon son humeur, «Zoulou» pouvait administrer alors des coups de règles sur le dessus de la main.

Le curé Thibeau venait faire la lecture des bulletins et pouvait, à certaines occasions, prêter main forte à notre professeur pour administrer des coups par la tête et même des coups de pieds au derrière. Nous redoutions le moment où il en viendrait à notre bulletin et récitions quelques aves en notre fort intérieur pour améliorer nos notes.

Le fils du bedeau  y avait goûté et je l'entends encore qui disait: «Je vais le dire à mon père» ce qui avait pour effet de prolonger la torture. À ces occasions, nous n'avions pas envie de rire du tout et nous aurions voulu disparaître sans laisser de traces.

Un jour, le professeur déclara qu'on lui avait volé un billet de cinq dollars. Nous étions à 99,9% certain de connaître le coupable. Comme il n'arrivait pas à obtenir d'aveu, le professeur décréta que tous les élèves passeraient à l'avant de la classe où il avait déposé le crucifix. Chacun devait le baiser en s'agenouillant. Il nous avertit que celui qui était coupable resterait comme cloué au sol.

Nous étions tous ravis et anticipions le spectacle du voleur cloué au sol. Chacun se hâta de passer afin de pouvoir admirer notre homme. Notre coupable tardait à passer sans doute à cause de la peur. Il s'avança enfin et baisa le crucifix comme tout le monde mais, à notre grande surprise, il se releva aussitôt et regagna son banc. Peut-être que le crucifix n'avait pas voulu faire le jeu de la victime ou que le crime n'était pas assez grave.

Notre bourreau s'était marié un jour et demeurait dans un logement contigu à la classe. Dans le temps, ceux qui demeuraient à un mille ou plus de l'école dînaient souvent à l'école, particulièrement durant l'hiver. Pendant son absence, nous soulevions une trappe dans le plancher où nous savions qu'il cachait de la nourriture. Il se fabriquait une sorte de vin. Certains midis, les gars se disaient «Allons au vin!». Pendant que quelqu'un se plaçait près de la porte du logement pour faire le guet, une autre ouvrait la trappe et un troisième descendait à la réserve quérir la bouteille que l'on buvait à tour de rôle afin que tous soient coupables en cas de découverte. Heureusement, je ne crois pas que nous ayons jamais été découverts.

Plus tard, il eût un premier fils. Quand celui-ci fut en âge de faire ses premiers pas, il lui arrivait de temps à autre d'ouvrir la porte de la classe et d'y faire irruption. Son père l'attrapait par un bras, le soulevait de terre et le remettait dans son logis et le poussant avec son pied sans trop le flatter. Ces incidents nous procuraient l'occasion de rire un bon coup, sans trop exagérer toutefois pour ne pas attraper de punition.

De toute façon, nous savions nous venger à notre manière. Dans le temps, il n'y avait pas d'eau courante. Pour les besoins de la famille du bourreau, il fallait aller chercher l'eau au presbytère, situé tout près de l'école. «Zoulou» demandait donc à un ou deux élèves selon les besoins d'aller chercher de l'eau dans des chaudières.

Plusieurs de mes compagnons m'ont avoué que par malin plaisir, ils s'étaient arrêtés en chemin près du portique de la sacristie pour faire pipi dans la chaudière d'eau dédiée à la famille du professeur.
Toutes les vengeances n'étaient pas aussi douces. Je me souviens d'un jour où j'étais resté en punition après l'école avec un compagnon plus âgé (c'était la punition que je détestais le plus). Nous étions à genoux près du poêle et près du bureau du maître. Tout à coup, j'aperçois mon compagnon qui s'empare de la clé de rond de poêle et avant que j'ai eu le temps de le réaliser, la garoche de pleine force en visant la tête du professeur. Elle avait donné contre le mur en faisant une marque après avoir rasé la figure de «Zoulou». Le cours «classique» de mon compagnon avait fini là.

* l'école dite "du village" était près de l’église, à l’endroit où sont maintenant bâtis les HLM

Bergeronnes, village intelligent



https://drive.google.com/open?id=16hn2LmkBMQTXo86FfiSg4kI4VkJ6gQcn
Ayant pris connaissance du forum citoyen sur les Bergeronnes et ne pouvant être présent, j'ai entrepris de rassembler mes idées. Je me suis demandé si à côté des villes intelligentes, il pouvait exister des villages intelligents. La réponse est oui, mais pas encore au Québec.

Il ne restait plus qu'à appliquer la méthode pour imaginer comment les citoyens des Bergeronnes pourraient répondre aux besoins d'emploi, de services d'éducation et de santé et d'un climat favorable à l'entrepreneuriat en utilisant, entre autres, les technologies de l'information.

De cette manière, les villageois ont véritablement le choix entre la vie en ville ou dans un village intelligent. Ils ont accès à un grand nombre des avantages de la vie urbaine tout en maintenant certains aspects importants de la vie rurale.

Les projets sont proposés à titre d'exemples et ne prétendent pas faire l'inventaire complet des partenaires potentiels et des actions à poser. Une démarche de consultation et de concertation des acteurs est bien sûr essentielle à leur élaboration et réalisation.

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