Mgr Gendron raconte Noël aux Bergeronnes

(Cliquer sur la flèche pour commencer la lecture)
Enregistrement de Mgr Gendron réalisé à l'automne 1972
[transcription]

Les plus beaux Noëls que j'ai passés, nécessairement,  sont les Noëls lorsque j'étais prêtre puis qu'on se préparait ici, aux Bergeronnes, il y avait un esprit de Noël formidable. La crèche n’était jamais trop grosse. On en est venu à faire une crèche qui avait presque les dimensions de tout le pan d'en  avant de l'église, toute une forêt, toute une crèche en vrai cèdre. Et puis un vrai Jésus qui venait de Bethléem, authentique. On est peut-être la seule paroisse d'ailleurs, dans la province de Québec, à avoir un Jésus comme ça qui a été obtenu de la custode de Jérusalem, le même Jésus, avec les mêmes dimensions, les mêmes proportions qui se trouve dans la grotte même de Bethléem.
Et dans ce temps-là, on avait deux chorales ici : la chorale des Bergeronettes conduite par Lucie Brisson et Cécile Simard puis la  chorale de Saint-Grégoire, conduite par Gabriel Fortin. Puis chacune préparait sa messe de minuit, puis chacun voulait avoir le plus de minutes disponibles à la messe.
Dans ce temps-là, on se préparait à Noël par des jeûnes, par des crèches que les enfants faisaient dans les écoles, par des sacrifices qu'ils avaient accumulés. Chacun consentait à faire quelque chose de son mieux, donner de son meilleur pour que Noël soit plus joyeux pour tous. Le Tiers-Ordre de Saint-François s'occupait des pauvres et puis la ligue du Sacré-Cœur s'occupait de l'ornementation, aujourd'hui c'est la jeune chambre.
Les cultivateurs de plus loin, nos vieux, monsieur Johny Boulianne, monsieur Alfred Gagnon ou bien d'autres allaient chercher les plus beaux arbres au loin dans la forêt. Chez monsieur André Gagnon allait chercher longtemps d'avance, en octobre, de la mousse, des petits arbrisseaux, tout ce qui fleurit sur les rochers, puis ils gardaient ça à l'humidité pendant un mois ou deux pour qu'à Noël, on ait réellement des rochers ornés comme des véritables rochers. C'était quelque chose, l'esprit de Noël.
Tous les enfants arrivaient et arrivent encore d'ailleurs de loin pour se réunir avec leur papa puis leur maman en disant toujours: "On y retourne encore, on revient encore, on aime tellement nos parents, on a tellement peur dans le fond de nous autres, que ce soit le dernier Noël qu'on les ait tous les deux".
Je vous assure qu'on était content de braver le mauvais temps, braver les difficultés pour venir parce qu'il fallait à ce moment-là prendre le train à trois heures l'avant-veille à Québec, débarquer à La Malbaie à huit heures et demie du soir environ, coucher à La Malbaie, prendre le lendemain matin le snowmobile vers les neuf heures, puis il fallait à tout prix arriver avant trois heures à Baie-Sainte-Catherine afin de traverser, parce qu'il y avait une seule traverse dans l'après-midi. Les gens faisaient 90 milles de snowmobile pour venir voir leurs vieux parents. Puis y se trouvaient heureux parce que les anciens, comme l'abbé Amédée Gagnon, le docteur Gagnon, le docteur Lessard, me disaient qu’eux, ils restaient toujours à Chicoutimi pour Noël. Ils n’étaient pas capables de venir: pas de chemins puis il n'y a avait pas de ligne, seulement sur la grande route.
Ah, il fallait voir le plaisir que les gens avaient de se promener comme ça, les familles qui arrivaient à l’église avec leur carriole puis qu'il fallait dételer. Monsieur Pierre Hervieux qui dételait les chevaux, un peu plus tard, ç’a été en arrière de chez Monsieur Hormidas Lapointe, je pense qu’on dételait les chevaux.

Adeste Fideles chanté par mon oncle Welleston Bouchard en l'église Notre-Dame-de-Bon-Désir (1972)

Curiosité
Selon le Rapport sur les missions du diocèse de Québec et autres missions qui en ont ci-devant fait partie, publié en mai 1870, la première messe de Noël aux Bergeronnes s'est dite dans la chapelle de Sainte-Zoé en 1869.

Sources


Portrait de Marcel Guay par Rita Mailloux




À l'occasion du 50e anniversaire de mariage de mes parents, en 2003, j'avais demandé à ma tante Rita de décrire mon père avant son mariage. Son témoignage est précédé d'un séquence de photos dont une le montre alors qu'il étudiait au séminaire de Chicoutimi (l'édifice est maintenant intégré au cégep de l'endroit).

Mon père accordait la plus haute importance à l'éducation. Souffrant de problème de santé, il n'avait pu complété son cours là-bas. L'inscription latine au-dessus de l'entrée "Spes messis in semine" signifie "L'espérance de la moisson est dans la semence". Mais mon père et ses camarades s'amusaient à la traduire par "La peste est dans le séminaire".

C'est au cours d'une visite de ma mère chez sa cousine Rita que mes parents se sont rencontrés. À la perspective d'un mariage prochain, ma tante raconte que l'excitation était si grande qu'elle recula avec sa voiture dans le réservoir à essence au magasin Victor Guay & Fils.


Entrevue avec Rita Mailloux en 2003

Un dimanche d'automne


par Émilienne Guay

Plusieurs la prénommaient «Mémère Clarisse» mais pour maman et moi, elle était «Madame Clarisse». D'ailleurs, maman n'utilisait que des «Monsieur et Madame» pour parler des Bergeronnais. Et Mme Clarisse mentionnait «Maltest» et non «Maltais» pour son nom.

Elle était télégraphiste de son métier et notre famille était amie de la sienne qui se limitait à son mari, Eugène Gauthier, beaucoup plus âgé qu'elle. On nous racontait qu'il l'avait épousé alors qu'elle n'avait encore que treize ans et que quelquefois, au tout début de leur mariage, rentrant du travail aux champs ou de l'étable, il la trouvait jouant à la poupée. Le couple avait chez eux Gertrude, 19 ans environ, qu'ils désiraient garder comme enfant de la maison. (C'était une forme d'adoption utilisée à cette époque pour s'éviter les services d'une servante et aussi pour aider une famille dans le besoin très souvent de la parenté).
Eugène Gauthier et Clarisse Maltais (source: Geneviève Ross-Larouche)

C'était un dimanche après-midi vers 1925 et cette visite dominicale nous enchantait, car Madame Clarisse avait, bien rangés dans un placard au salon et fermé à clef, quatre beaux seaux de bois, très propres et cirés à l'intérieur qui contenaient un: ce que nous appelions des chocolats en dés; un autre des bonbons français, le troisième des bonbons clairs et le quatrième des menthes que nous nommions de ce beau nom français de «peppermint».

Notre hôtesse, après nous avoir fait pénétrer dans ce sanctuaire Marcel et moi, nous invitait à garnir nos poches. Marcel, qui était peu gourmand et probablement plus sage, en prenait peu. Moi par contre qui avais «les yeux plus grands que la panse» au dire de maman, j'exagérais et y allais à poignées. Mme Clarisse, très bonne et surtout presque aussi gourmande que moi (il ne lui restait que quelques dents branlantes et ses os étaient légèrement déformés aux doigts et aux pieds) ne me réprimandait pas.

Les grandes personnes, je devrais dire les deux couples, s'attablaient dans la salle commune et s'amusaient à jouer aux cartes la plupart du temps, le jeu était ce qu'il nommaient le «whist» tandis que nous nous amusions à regarder l'appareil de T.S.F. qui crépitait, mais n'enregistrait pas, car la réserve de papier semblait contrôlée. 

Victor et Alice Guay (source: album familial)
 
Un fait particulièrement cocasse se produisit ce dimanche-là. Après quelques mains de cartes, chaque joueur ouvrant son jeu se retrouve: l'hôtesse, toute une main de pique; papa, toute de trèfle; M. Gauthier avait du carreau et maman qui n'avait qu'une carte de couleur différente, ramassant une carte au hasard dans la mise, reçu l'as de cœur ce qui lui valut un beau jeu complet de cartes de cœur. Tout le monde riait, mais Mme Maltest Gauthier que nous soupçonnions d'être un peu prestidigitatrice semblait déçue et inquiète.

Elle courut à son appareil de T.S.F. pour le mettre en marche le ruban. Elle revint s'asseoir et chacun but son «petit sec» tout en commentant ces dernières nouvelles mondiales fraîchement reçues. Nul doute que le monde était moins en effervescence que maintenant. Pendant ce temps, Gertrude s'affairait à préparer le thé et vint nous le servir avec de délicieuses brioches chaudes qu'elle venait de cuisiner.

Les hommes, après s'être bien restaurés attelèrent les chevaux et ce fut le retour dans ce que nous appelions le «quatre roues». Les genoux bien recouverts d'un châle de laine quadrillé, nous regardions, dans un fort vent du nord, voler les feuilles mortes accompagnées de brins de neige, annonçant que bientôt notre paroisse serait isolée pour un hiver entier. Les chemins n'étaient pas entretenus et ce qui nous reliait tous, c'était les appareils sans fil de Mme Clarisse et celui de la mère «Quette». Je crois que c'était une madame Savard, mais je n'en suis pas certaine. Cette Madame habitait avec son époux chez sa fille et son beau fils dans la maison de Ulysse Bouchard, bâtie à l'entrée de la rivière Grandes-Bergeronnes. Étant donné l'éloignement de papa et maman de leur famille respective, toutes les nouvelles concernant les leurs passaient par ces deux personnes.

Mme Clarisse vécut jusqu'à un âge très avancé et ceux qui eurent le bonheur de vivre près d'elle et qui reçurent ses confidences ont dû y trouver un contact enrichissant.
Je me souviens qu'elle recevait un catalogue de mode de l'Angleterre — elle prononçait «Angleterre» en roulant ses «R!» — et s'empressait d'habiller sa petite nièce Berthe Gauthier Larouche de ces beaux vêtements européens.
--
Source : texte de ma tante Émilienne Guay, collection personnelle.


Le chemin de traverse des Bergeronnes

Les admirateurs d’Harry Potter connaissent bien le chemin de traverse à Londres où les magiciens peuvent faire leurs courses. Mais saviez-vous que Les Bergeronnes a déjà eu son propre chemin de traverse où la magie aurait été bien utile ?

Le chemin de traverse de Harry Potter aux studios Universal en Floride
En attendant de faire le tour du canton Bergeronnes dans un article à venir, accompagnons nos colons dans ce chemin, d’après un récit daté du 19 septembre 1876.

Ce chemin, connu sous le nom de Traverse des Bergeronnes, depuis le 1er rang de Tadoussac jusqu’au passage de la petite rivière Bergeronnes, est fait à travers les montagnes et des rochers escarpés. Il n'y a pas, jusqu’au rang Bergeronnes, dans le canton Tadoussac, un acre de terre propre à la culture à l'exception d'un mille et demi de bois vert, le reste est du bois que les feux ont détruit et qui, au moindre vent, peut s'abattre sur le voyageur. Ce chemin est très désavantageux pour les colons, il est dangereux en hiver alors que le voyageur qui y serait pris pendant une tempête, serait bien certain d'y mourir. Quand il y a une lourde chute de neige, les colons l'abandonnent et prennent le tracé de Ballantyne qui se trouve plus loin dans le bois vert et n’est pas exposé aux rigueurs de la tempête. Ensuite, vient la fonte des neiges. L’eau dévalant du haut de ces montagnes, entraîne le peu de terre qu’il reste sur la route et les gens sont obligés d’y travailler dix à douze jours, avec leurs chevaux, etc. pour mettre de la nouvelle terre, qu’au printemps suivant, les eaux emportent de nouveau.

Dans les Petites-Bergeronnes, le sol est argileux et très plat. Le chemin est bordé d’arbres de chaque côté. Dans les Grandes-Bergeronnes, le sol est sablonneux et très rocheux en plusieurs endroits. Ce chemin est bien fait pour ces localités, et un peu onduleux, jusqu’à la plaine de Bon-Désir, où le terrain est très plat. Cette immense plaine est un terrain sablonneux, en général impropre à la culture, sauf à quelques endroits. Bien que ces terrains soient sablonneux, il n’y a pas cependant un roc, à cinq ou six pouces comme ailleurs.

Le bois se compose en partie de bouleau, sapin et épinette dans différents endroits, et dans d’autres, il n’y a rien. La qualité du sol est la même depuis la traverse de la rivière de Bon-Désir jusqu’à la rivière Escoumains, où le terrain est meilleur, étant bien boisé en bouleau, sapin, épinette, frêne et cèdre.

Sources

  • Description des cantons arpentés et cantons explorés de la province de Québec, Québec 1889, pages 619-620
  • Illustration, Sam Howzit, Diagon Alley at night in Universal Studios Florida, (CC BY 2.0), 2014