Noël aux Bergeronnes, souvenirs de Marcel Guay (1919–2008)

 

Il m'est bien difficile de me souvenir d'un Noël en particulier alors que j'étais jeune. Sans doute que c'était bien différent pour toutes sortes de raisons dont les deux principales étaient premièrement la crise qui sévissait alors et l'extrême rareté d'argent. D'autres, presque aussi importantes, étaient le fait que nous allions à l'école toute la journée de la veille de minuit lorsqu'il s'agissait d'un jour de semaine.

Il faut vous dire que dans ce temps, il n'était pas à la mode des vacances autres que celles de juillet et août. Nous pouvions espérer quelquefois une demi-journée à la suite de la visite de l'inspecteur et quelquefois encore, plus rarement, à la fête de monsieur le curé; cette dernière occasion seulement lorsque j'étais plus vieux et fréquentais l'école dite du maître (1). Les autres classes, c'étaient celles des maîtresses et surtout le règne des écoles de rang. La nôtre portait le nom d'école de la route (2).

Donc, pour en revenir à la Noël, on s'en rendait surtout compte par les grands préparatifs que maman faisait, principalement dans le manger. Il y avait surtout les pâtés à la viande, la bonne saucisse faite à la maison. Je me souviens que je disais souvent que les cochons auraient dû être faits uniquement des fesses pour la saucisse et les pâtés lors de la boucherie qui se faisait normalement quelques jours avant les Fêtes. On mangeait alors du bon boudin et d'autres bonnes choses que maman nous faisait rôtir. Je crois qu'il s'agissait d'une partie près des côtes.

Je disais aussi que l'on devrait saigner les cochons sans les faire mourir afin de pouvoir faire du boudin plus souvent. Il ne faudrait pas oublier les bons beignes dont nous savourions surtout la senteur jusqu'au réveillon de Noël, car à la veille de minuit, c'était un gros maigre jeune et il n'était pas question de manger des bonbons, du chocolat ou même des choses comme des beignes, le sucre à la crème ou d'autres petites douceurs réservées pour quelques événements très rares de l'année.

Pour les cadeaux, ils n'étaient pas bien nombreux et il s'agissait surtout de choses pratiques comme d'un gilet, des souliers, un traîneau ou autres linges nécessaires à la garde-robe du temps. Je ne me souviens pas particulièrement de jouets et ce n'est que lorsque j'eus une dizaine d'années au plus que j'associe les autos puisque les naturelles étaient aussi très rares dans ce temps-là. Je me souviens d'un jeu de mécano auquel était venu s'ajouter aux Fêtes l'année suivante un plus gros jeu, mais manufacturé par un autre fabriquant et dont les pièces étaient plus nouvelles et ressemblaient aux poutres du pont de Québec.

Un autre jouet dont j'ai beaucoup bénéficié et qui m'a fait passer des heures très agréables a été une petite chaudière à vapeur imitant la motorisation des moulins à scie du temps. J'avais reçu ce jouet de ma marraine Germaine que je trouvais bien généreuse et qui me faisait chaque année des cadeaux que je trouvais bien beaux et gros. Je me rendais la visiter uniquement pour recevoir mon cadeau annuel et quelquefois, je faisais le voyage jusqu'en haut de la côte à bouleaux à pied, chez ses beaux-parents, pour recevoir ce cadeau.

Une autre fois, j'avais reçu d'elle une bien jolie petite chaudière, un peu plus grande qu'une tasse à thé. Elle était en métal, avec un couvercle très hermétique et rempli de délicieux bonbons. Les fruits, comme les oranges et les pommes, étaient également des raretés du temps de Noël que l'on savourait avec joie. 

Je crois que si l'on pouvait nous présenter des films parlant nous représentant exactement ce que nous faisions et disions de ce temps-là, nous nous en amuserions beaucoup maintenant. Cependant, il faut vous dire que malgré la très grande différence, l'on était tout de même bien heureux de nous rendre en traîneau le fameux soir de minuit. 

Et, plus tard, lorsque je fréquentais l'école du maître, il m'est arrivé aussi, avec un bon compagnon de mon âge de passer dans l'église à partir du chœur, en costume d'enfant de chœur, s'il vous plaît, tous les deux très heureux dans notre for intérieur et bien fiers de nous faire remarquer de tous les paroissiens parce que nous montions au chœur de chant pour chanter le beau Minuit Chrétien. Il ne faut pas oublier que mon père était le maître de chant et probablement que c'était surtout la raison pour laquelle la musicienne, madame Berthe, nous trouvait de très bons chanteurs. ◊

(1) l'école  du maître était située au 553 du Plateau. Elle accueillait environ 25 élèves, tous niveaux confondus. Le maître en question, René Tremblay, avait une conception déroutante de l’éducation. Ainsi, tous les jours, les enfants de la onzième année recevaient avant de quitter le soir, quatre à cinq coups de courroie de moulin à battre le grain sur les mains. Heureusement, la jeune fille qu’il fréquentait à l’époque réussit à le convaincre d’abandonner cette manie.

 (2) l'école de la route, construite en 1918, était situé sur la rue Principale, face à l'entrée du rang St-Joseph





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